Paul Coban Poète (1921-2012)
L'ancienne demeure de Paul Coban à Limeil ayant été restaurée, l'association "L'Atelier Coban" fait revivre ce lieu magique désormais dédié au partage, à l'ouverture, à la méditation, au bouddhisme, aux arts, à la mémoire de Paul Coban et de son oeuvre prolifique et gigantesque.
BIOGRAPHIE de Paul COBAN
1921-2012
par Dominique Énon et Louise Lamarche
Émile Paul Colomban dit Paul Coban est un poète et graveur sur bois né le 5 février 1921 à La Garenne-Colombes et mort le
13 septembre 2012 à Villeneuve-Saint-Georges[1].
Écrivain, poète pamphlétaire, il est l'auteur
de trois ouvrages et de très nombreux poèmes dont une centaine au moins a été imprimée
de son vivant, par ces soins ou par d’autres imprimeurs d’art.
Paul Coban est né dans une famille aisée, son
père était pharmacien au 117 rue de Belleville, Paris 20e. Ses
parents découvrent très tôt chez Paul une prédisposition toute particulière
pour l’écriture et la poésie. À l’âge de onze ans, il écrit d'ailleurs son
premier roman, J’arrive à temps, dont le manuscrit n'a pas été conservé.
Diplômé
de la Sacem en 1949 en tant qu’auteur, il
rencontre à cette époque l’un de ses futurs mécènes, le dr Robert Sauvageot qui fut un des premiers
disciples du dr George Soulié
de Morant principal
promoteur de l'acupuncture en
France et en occident à partir de 1929.
Le dr Robert Sauvageot
participa à l'histoire miraculeuse des quelques épis de blé
retrouvés dans le sarcophage d'une reine d'Égypte et qui lui ont été confiés
par l'académicien Joseph de Pesquidoux à son retour d'un voyage exploratoire en
Égypte. Il initie Paul Coban à la diététique et à une philosophie de la nutrition.
En 1948, ils participeront tous les deux à la fondation de La Vie Claire par Henri-Charles Geffroy.
À la même époque, ils créent ensemble la maison
d’édition Gaie-Science qui publiera
des œuvres du poète. Cet esprit du gai savoir est le fil rouge qui les conduit
à créer des enregistrements burlesques sur bandes magnétiques : L’herboriste, En suivant les comètes, Petite
fleur, Le gars de Chagny, Les petits suisses, Plantes médicinales, etc. Coban y déploie sa verve humoristique et
on y entend le rire légendaire du docteur Sauvageot. Pour les deux hommes,
l’esprit du rire est à cultiver : C’est
une chose sérieuse et non de la rigolade (dixit Paul Coban). Les
vertus du rire seront par ailleurs largement démontrées des années plus tard.
Il est donc normal de retrouver dans la bibliothèque de Paul Coban toute une
littérature du rire. Deux écrivains restent cependant magistraux aux yeux du
poète : Rabelais et Alphonse Allais.
Dans les années d’après-guerre, vivant avec sa mère à
Limeil-Brévannes, il imprime lui-même ses poèmes sur une presse à bras. Devenu
typographe et graveur sur bois, il crée des plaquettes d’art. À l’instar de Max
Jacob qui vendait ses poèmes dans une carriole de quatre saisons, Paul Coban va
présenter son œuvre dans le Quartier latin. C’est ainsi qu’il peut vivre de sa
poésie et faire de très nombreuses rencontres. Ainsi, on retrouve dans ses
agendas plusieurs rendez-vous avec Jean Cocteau à son domicile de la rue de
Montpensier. Il évoque de vagues rapports au sujet de l'objection de conscience
pour laquelle Coban milite depuis de nombreuses années. Ardent défenseur de la cause
de la paix, il publie peu après leur rencontre Au nom de la paix, poème
contre l’arme atomique imprimé
dans la plaquette d’art Tendre civilisation.
Cette période riche en échanges lui permet également
de partager avec son aîné Pierre Mac-Orlan la même vision du monde. On retrouve
cette complicité dans la bibliothèque de Coban dont les ouvrages de Mac-Orlan comportent
de nombreux envois datés des années 1950.
En
mars 1954, il publie son premier livre, Sagesse
éternelle, illustré de bois gravés et d’aquarelles.
En 1956, il rencontre Élie Pésatori et Gabriele Mandel Khān puis, tous les deux artistes italiens. Pésatori
travaillera de concert avec Coban à plusieurs reprises. Mandel et Coban
resteront éternellement de fidèles amis. On retrouve trace dans
leur importante liaison épistolaire, et avec les gravures que lui réalisait
Mandel en retour. Coban écrira d'ailleurs un poème en l'honneur de la naissance
de Paola, la fille de Gabriele et Carla Mandel, née le 2 août 1961. Également
en 1961, dans les quartiers animés de la capitale, Coban fit la connaissance de
l’artiste franco-espagnol Alexis Hinsberger qui présentait La colline des fantômes, ouvrage de Tran Van Tung pour qui il avait réalisé les
illustrations. Coban restera en contact régulier et Hinsberger réalisera son
portait à l'occasion de l'un de ses vernissage. On le retrouve aussi comme
illustrateur de la plaquette d’art La
Bonne Fortune.
Quelques années
passèrent avant le début d'une collaboration avec Jean Lébédeff. Ce graveur de
renom partagera avec Paul Coban quelques secrets techniques et une amitié
sincère les unira jusqu'au décès du maître graveur en 1972. S'ensuivirent
quelques années de vaches maigres qui n’entameront en rien son entrain à créer
et à diffuser son œuvre. Il en profitera pour partager sa passion pour le rire
avec Albert Dubout dont il appréciait la qualité des illustrations.
L'année 1960 apportera au poète un peu de baume au
cœur avec la publication de son deuxième livre. Jean Lébédeff, lui propose
alors de participer à la conception de l'ouvrage en réalisant le frontispice.
Le titre de ce nouvel ouvrage, Au
Céleste Empire, n'est pas sans rapport avec celui de la femme de
lettres Françoise Mallet-Joris : L'Empire céleste. Dans cet ouvrage
qui obtint, en 1958, le prix Femina,
elle cite 57 fois le nom d’un Paul Coban qui est dépeint comme un personnage
particulièrement déplaisant. Or il s'agit sans équivoque du poète qui est
habitué à donner des récitals dans ce restaurant chinois situé près du
Panthéon. Un procès s'ensuit relayé par Le Figaro et par Le Parisien
libéré en date du 23 février 1960. Afin de ménager les intérêts de chacun, un
accord interviendra entre les parties et pour réagir à l’affront et Paul Coban
décida d'intituler Au Céleste Empire
son nouveau roman.
Son
troisième livre Mon pèlerinage
est certainement le plus abouti. Coban racontait volontiers son entrevue avec
Marcel Pagnol, dans le but d’obtenir une préface signé de l’académicien, lui
qui n’en écrivait jamais ! Dans la lettre préface qui enverra à Paul Coban
au sujet de cet ouvrage, Pagnol écrira : « … le personnage du pèlerin auto-stoppeur est intéressant, et ses
pérégrinations (c'est le mot qui convient) sont racontées avec beaucoup
d'humour, une sincérité totale, et une naïveté fort plaisante ». Cette
lettre-préface de Pagnol est le sésame qui permet à Paul Coban de faire
imprimer ce récit par le pressier d’art Dominique Viglino qui travaillait pour Dali
et Picasso. Viglino avait apprécié tout particulièrement les vignettes et les bois gravés de l'auteur. La couverture et
le frontispice avaient été réalisés par son ami Élie Pésatori.
En février 1971, lors de la sortie de Mon
Pèlerinage, Paul Coban sera introduit par l’intermédiaire d’Alain
Peyrefitte[2]
auprès de Jean-Jacques de Bresson, alors président de l’ORTF, afin qu'il
présente son ouvrage à la télévision. Par la suite, Coban sera l'invité de
Jacques Chabannes dans l'émission On en parle.
Par
la suite, Paul Coban entreprendra toute une tournée en France et en Suisse pour
donner des récitals de poésie. Mais de l’aveu du poète, c’est surtout en Suisse
qu’il sera le mieux accueilli.
Dans les années 1970, Paul Coban voit sa mère,
dépérir. Il n’aura de cesse d’aller la visiter dans le mouroir du Château d’Oleron. Cherchant un logement pour la sortir
de cette institution, en 1974, il achète, à Saint-Pierre-d'Oleron, une ancienne
épicerie qu’il transforme en Boutique de poésie, véritable antre du poète où l’on pouvait venir écouter son
œuvre et s’en rendre acquéreur.
C’est le début d’une grande aventure où le
poète se confronte à un public de vacanciers. Cela donnera lieu à un nouveau
livre Ma Boutique de Poésie écrit
au fil des années, mais qui restera
pendant longtemps inédit. Paul Coban raconte trente années de rencontres,
de bagarres, de rires. Considéré comme un original, par
les insulaires comme par les touristes de passage, lors des récitals de poésie qu’il donnait
chaque après-midi dans sa boutique, il se plaisait à dire :
– Je ne suis ni un grand ni un petit
poète; je suis un authentique poète. J’ai consacré ma vie à la poésie. Venez voir
les fesses rouges du poète.
Ses nombreux livres
d’or racontent l’étonnement et parfois l’émerveillement de ses visiteurs face à
un personnage authentique.
Cette fameuse Boutique de Poésie lui vaudra de nombreux articles dans
la presse et des passages dans les médias, notamment Le Pop-Club de José
Arthur, et Radioscopie de Jacques Chancel, et bon nombre d'émissions
littéraires. Chaque été, jusqu’en 2009, il séjournera sur Oleron et tiendra
l’unique boutique de poésie au monde !
L'hiver venu, il retournait œuvrer dans sa
vieille demeure de Limeil-Brévannes, datant de l’époque de Louis XIV, ancien
rendez-vous de chasse du Comte de Toulouse, dont il avait restauré le gros
œuvre de ses propres mains. Il y retrouvait ses presses qui reprenaient du
service pour imprimer sur papier d'Arches la multitude de poèmes contenus dans
les petits carnets noircis durant l'été.
Mais les hivers sont parfois rudes et, en
1985, fragilisé par l’absence de chauffage, d’eau et d’électricité dans sa
maison de Limeil, il est conduit à se réfugier à la paroisse de Saint-Vincent
de Paul, auprès de Pierre Bellégo, célèbre prédicateur progressiste, celui-là
même qui, en 1977, avait été expulsé de sa paroisse de St-Nicolas du Chardonnet
par les catholiques intégristes. Pierre Bellégo hébergea Paul Coban dans son
propre logement où ils eurent de fructueuses conversations. Ce fut l’occasion
pour le poète de créer de nouvelles œuvres, et par la suite Pierre Bellégo préfacera plusieurs plaquettes de
Paul Coban.
Artiste complet, Coban s'adonnait aussi à la
peinture, au dessin et à la sculpture. À la fois anarchiste, révolutionnaire
et profondément catholique, personnage dérangeant mais d’une lucidité à toute
épreuve, Paul Coban n’a jamais cessé de lutter contre l’injustice et contre l’indifférence
de ses contemporains.
Il meurt le 13 septembre 2012 au centre
hospitalier de Villeneuve-Saint-Georges, il est inhumé… près de sa maison de
Limeil-Brévannes.
L'année suivante, un hommage lui est rendu à
Limeil-Brévannes lors d'une exposition retraçant l'ensemble de son œuvre. Le 13
mars 2015, un récital est donné en la médiathèque de Saint-Pierre d’Oleron par
le comédien oleronnais, Philippe Couteau, dit Bilout et une plaque mémorielle
est apposée sur la façade nord de la Boutique.
2017, a vu la vente de la maison de
Saint-Pierre qui, à l’origine, devait être mise à la disposition de la mairie
de St-Pierre pour en faire un lieu culturel, projet qui n’a pas débouché.
L’ensemble du produit de la vente a été réinvesti par l’Atelier Coban pour
finaliser la rénovation de la maison de Limeil-Brévannes et en faire un lieu de
rencontres spirituelles et de partage.
En 2020, 80 poèmes
inédits issus des papiers et carnets de Paul Coban ont été réunis dans un
recueil intitulé Point trop n’en faut
qui est diffusé par l’Atelier Coban.
[1] - La notice mise en ligne sur Wikipédia a été créée à
partir du présent texte qui a été établi à
partir des archives de Paul Coban (Atelier Coban, à Limeil-Brévannes, AD 94, AD 17 et documents
Dominique Énon, à Melun).
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